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Que sera notre monde dans 20 ans?

Sciences et technologies

Une science de moins en moins fiction

Des appareils d'imagerie par résonance magnétique sur le bureau du médecin. Des robots qui se choquent. Une preuve que la vie existe sur d'autres planètes... Dans 20 ans, le monde aura passablement changé grâce aux sciences et aux technologies!

Louis Taillefer, physicien vedette de l'Université de Sherbrooke, réfléchit : «Dans 20 ans, qu'est-ce qu'on saura faire? Ouf! C'est difficile à prévoir avec certitude! Qui aurait pu dire que l'invention du transistor il y a 60 ans, nous aurait donné google?»

Louis Taillefer est professeur titulaire au département de physique, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les matériaux quantiques et directeur du programme des matériaux quantiques à l'Institut canadien de recherches avancées.
Louis Taillefer est professeur titulaire au département de physique, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les matériaux quantiques et directeur du programme des matériaux quantiques à l'Institut canadien de recherches avancées.

Sa passion, c'est la physique fondamentale : il cherche à percer les secrets de la supraconductivité, cet état de la matière qui permet à l'électricité de circuler sans résistance. Des applications majeures découleront de ses recherches. Par exemple, dans un appareil d'imagerie par résonance magnétique (IRM), on doit générer un champ magnétique important pour obtenir une image des tissus. Pour ce faire, on utilise un aimant fabriqué à partir d'un alliage de niobium et de titane qui est supraconducteur... à condition d'être plongé dans l'hélium liquide à – 269 °C! C'est pour ça que les appareils d'IRM sont si gros : ils ont besoin d'une énorme coquille isolante. «Si nous pouvons élucider ce qui limite la température maximum dans les matérieux actuels, il est permis de croire qu'on puisse alors pousser l'état de supraconductivité jusqu'à la température de la pièce. Et qui sait, d'ici 20 ans, on pourrait alors fabriquer des appareils d'imagerie assez petits pour être placés sur le bureau d'un médecin de famille!»

Parmi les autres applications, on peut citer la construction de lignes de transmission d'électricité qui transportent beaucoup plus d'énergie dans de plus petits fils, des trains à lévitation magnétique, des antennes de téléphonie sans fil qui peuvent détecter plus finement les fréquences, et des ordinateurs beaucoup plus puissants.

François Michaud est professeur titulaire au département de génie électrique et de génie informatique et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en robotique mobile et systèmes intelligents autonomes.
François Michaud est professeur titulaire au département de génie électrique et de génie informatique et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en robotique mobile et sysèmes intelligents autonomes.

Dans 20 ans, on peut espérer retrouver le bureau de son médecin chez soi – ou presque! – grâce à la robotique. François Michaud et son équipe travaillent en effet sur le développement de robots qui permettent un suivi médical à distance. Ils ont déjà développé un prototype qui peut se déplacer dans une maison pour observer une personne à mobilité réduite et qui est équipé d'appareils de communication pour échanger avec une infirmière ou un médecin à distance. «Un robot comme ça pourrait aussi servir à un aidant naturel qui peut aller faire son épicerie en laissant un centre de surveillance garder un œil sur un proche», dit François Michaud.

D'autres applications plus complexes sont envisageables : il existe déjà des bras robotisés qui peuvent être manipulés à distance par des chirurgiens; ces robots pourraient être raffinés pour inclure des caractéristiques comme une capacité de transmettre des sensations tactiles à distance (pression ou texture). «Les médecins saisissent d'instinct l'état d'un patient grâce à ce type de sensation», précise François Michaud.

Des robots émotifs

L'intégration des informations sensorielles, de même que la coordination des «membres» d'un robot nécessitent une grande capacité de traitement de l'information. Pour être encore plus autonomes, les robots auront besoin d'un «jugement» accru, ce qui nous amène dans la direction de l'intelligence artificielle. À l'Université de Sherbrooke, on travaille même sur une piste étonnante : l'imitation des émotions humaines. François Michaud explique : «Les émotions jouent un rôle important dans la prise de décision chez les humains. Nous travaillons sur des algorithmes qui miment la colère ou la peur. Le but? Aider des robots à se sortir de situations insolubles dans le contexte de leur programme de départ.»

La capacité informatique progresse sans cesse, mais elle pourrait exploser grâce aux nanotechnologies, d'après Dominique Drouin, du même département. Il travaille sur le développement de dispositifs monoélectro- niques capables de contrôler le passage d'un électron à la fois. «Avec une telle technologie, on pourra dans 15 ans concevoir des mémoires d'ordinateur pouvant contenir un térabit, soit 1000 gigabits», précise-t-il. Sa technologie permettra de stocker plus d'information sur un même espace tout en utilisant moins d'énergie, en étant plus rapide et plus robuste. Et ce n'est qu'une des applications de la nanotechnologie, un champ en croissance dans une multitude de domaines. Par exemple, grâce aux nanotechnologies, nous pourrons fabriquer des diodes électroluminescents (D.E.L.) pour l'éclairage plus performants à moindre coût, ce qui permettra de diminuer la consommation d'électricité (les D.E.L. consomment moins d'énergie que les ampoules incandescentes ou les fluocompactes).

En plus de nous faire économiser de l'énergie, la production d'énergie verte est aussi au programme : les nanotechnologies devraient nous permettre, dans les prochaines années, de fabriquer des cellules photovoltaïques beaucoup plus performantes. «À l'heure actuelle, dit Dominique Drouin, elles laissent passer une portion importante du spectre de lumière; les nanotechnologies nous permettront de fabriquer des matériaux capables de transformer ces photons en énergie à un coût raisonnable.» On peut aussi citer la fabrication de matériaux beaucoup plus légers et plus résistants aux chocs et à la chaleur, la conception de nanocapsules capables de transporter des médicaments vers leurs cibles dans le corps, et ainsi de suite.

En voilà bien des promesses! S'agit-il d'une technologie miracle? «Il reste encore des questions scientifiques et éthiques à régler, dit Dominique Drouin. Est-ce que ces produits sont 100 % sécuritaires? Est-ce qu'on pourrait respirer des nanopoudres nocives ou des fragments de nanomatériaux libérés par le bris d'un objet? Il faudra répondre à ces questions», précise le professeur Drouin, bien qu'il ne se dise pas très inquiet à propos de l'innocuité des nanomatériaux.

Yves Grosdidier est chargé de cours à forfait au département de physique.
Yves Grosdidier est chargé de cours à  forfait au département de physique.

Pendant que certains ont les yeux braqués sur leurs nanoscopes, d'autres scrutent le cosmos. Yves Grosdidier, astrophysicien, s'attend à de nombreux développements dans son domaine. Que ce soit à propos des grandes questions comme l'origine de la matière sombre (qui composerait 73 % de la masse de l'univers, mais dont l'origine nous est inconnue...) ou sur les liens entre la théorie de la relativité et la physique quantique, il s'attend à des progrès notables au cours des prochaines années. Il est aussi très excité par la mise en service de très grands télescopes de 100 mètres de diamètre même plus à partir du milieu de la prochaine décennie aux États-Unis et en Europe. «Ces nouveaux télescopes nous permettront d'étudier des exoplanètes de type terrestre. Avec nos instruments actuels, on ne peut étudier que des exoplanètes gazeuses similaires à Jupiter. On pourra ainsi commencer à répondre à des questions qui nous hantent depuis toujours : “Sommes-nous seuls dans l'univers?” ou, en étudiant la composition de l'atmosphère de ces planètes, “Quelle est l'origine de la vie?”» Avis aux blasés : il y aura du nouveau sous le Soleil (et pas seulement le nôtre)!